Sujet parfois déstabilisant, souvent tabou, la sexualité et les amours des seniors est pourtant une (belle) réalité. Pour justement combattre les idées reçues sur l’intimité d’un certain âge, un collectif d’auteurs vient de publier le fruit de plusieurs années de travail : Amours de vieillesse (paru aux Presses de l’École des hautes études en santé publique) répond ainsi aux interrogations que soulève cette vie affective. L’amour après 60 ans est-il différent des amours vécues plus jeunes ? Les transformations du corps ont-elles une incidence sur la vie intime ? Et, même, l’amour en maison de retraite est-il permis ?
La société ignore souvent les amours des seniors, préférant hausser les épaules pour mieux nier la question, au mieux évoquant les faits de façon moqueuse, au pire les condamnant. Pourtant, les histoires sentimentales et sexuelles existent, même passée la soixantaine. Et elles ne constituent pas forcément un problème à résoudre. Les auteurs d’Amours de vieillesse s’étonnent d’ailleurs que ce ne soit pas l’inverse, à savoir l’absence de vie affective, qui inquiète, surtout quand la solitude fait la une des médias et quand l’isolement se répand. Ne faudrait-il pas plutôt se réjouir de ce lien affectif et social ?
Amoureux après 60 ans?
Le besoin d’être aimé, de séduire, n’a pas à proprement parler de limite d’âge. Car il s’agit d’estime de soi. Et c’est cette dernière qui permettra de vieillir heureux. Par ailleurs, l’amour a des bienfaits scientifiques prouvés, depuis le cancer de la prostate aux maladies cardiovasculaires, en passant par les troubles du sommeil ou l’ostéoporose. Enfin, la liberté sexuelle ou le respect de l’intimité sont des notions qui s’observent quel que soient l’âge et les capacités de l’autre. Appelant à porter un autre regard sur les amours de vieillesse, davantage bienveillant, le livre dénonce également les représentations sociales ambivalentes du vieillissement. Il n’y a qu’à voir comme le troisième âge collectionne les poncifs : les expressions pervers pépère et mamie gâteau en sont la preuve, la quête du jeunisme dans la société occidentale en est une autre. Et ces clichés font du senior un repoussoir. Ne parle-t-on pas de vieillir jeune ? De bien vieillir ? Autant d’injonctions qui peuvent exclure tous ceux qui ne se reconnaîtraient pas dans cette logique ou qui se sentiraient écrasés par elle. Vieillir fait déjà peur – peur de perdre certaines de ses capacités, physiques, intellectuelles ou sexuelles, peur de perdre son autonomie et sa liberté –, vieillir peut en plus devenir une épreuve sous le regard de la société.
Les méthodes d’évaluation de l’autonomie des seniors se montrent tout aussi discriminantes. Certaines se réfèrent au modèle d’un homme jeune pour déterminer des capacités perdues au lieu de, par exemple, évaluer l’individu tel qu’il est aujourd’hui et se demander de quoi il est capable. D’autant que les personnes âgées se voient de moins en moins comme une personne ployant sous les incapacités, les maladies ou les soucis : seulement 26 % des Français de plus de 55 ans vivant à domicile se trouvent en mauvaise santé. En outre, les personnes âgées ne constituent plus un groupe homogène : le terme désigne autant un jeune retraité de 50 ans qu’une personne de 85 ans placée en institution. Soit un écart d’une génération ! Et pas n’importe laquelle : les auteurs rappellent à juste titre qu’il s’agit de celle qui a réalisé la révolution sexuelle des années 1970. Selon donc que l’on a vécu sa jeunesse sexuelle avant ou après cette période, la relation à la sexualité n’est pas la même une fois les rides installées.
Aspiration universelle
L’Organisation mondiale de la santé définit la santé sexuelle comme l’expérience de bien-être physique, psychologique et socioculturel relatif à la sexualité. La santé sexuelle est une expression libre et responsable de ses capacités, qui encourage le bien-être personnel et enrichit la vie sociale. La sexualité est ainsi un facteur d’épanouissement individuel. C’est pourquoi elle se situe au confluent d’une dimension physique – nécessitant un bon fonctionnement des appareils génitaux et de l’organisme –, d’une dimension psychologique – appelant à une image et une estime de soi positives, une disponibilité à soi et à l’autre – et d’une dimension sociale, à savoir le regard de la société. C’est lui qui pose les limites du normal et de l’anormal, du légitime et de l’illégitime. Il est malheureusement rarement positif sur la sexualité des personnes âgées, entraînant gêne et honte chez ces dernières.
Il ne peut donc être que très difficile de vivre une sexualité épanouie alors qu’elle est socialement niée ou refusée. Cette pression sociale amène souvent une autocensure. À l’inverse, les nouveaux seniors à l’esprit jeune et aux corps vigoureux, les fringants grands-parents à la consommation florissante, peuvent aussi se retrouver soumis à une pression d’hypersexualité, accentuée par une médecine qui vient pallier toute éventuelle déficience physique. Or, les petites pilules bleues ne sont pas la réponse à tout. La sexualité dans sa complexité, ses ambiguïtés, ses frustrations comme ses aspirations les plus secrètes est avant tout un élément essentiel des relations à soi-même et aux autres. Elle reflète l’aspiration universelle au plaisir partagé, au désir pour se sentir exister, au besoin de bienveillance et à celui d’être touché pour autre chose que des soins. Bref, une préoccupation on-ne-peut-plus saine !
1 Commentaire
25 novembre 2014 at 23 h 47 min
Je viens de reprendre mes recherches.